Contrat de mariage et succession : guide complet en France

Un décès survient, et la famille découvre que le conjoint ne reçoit qu’une fraction du patrimoine commun. Cette situation, fréquente sans anticipation, touche des milliers de ménages chaque année. Comprendre comment le régime matrimonial façonne la succession permet d’éviter les surprises et de protéger efficacement son conjoint.

🕒 L’essentiel en bref

  • ✨ Sans contrat, la communauté réduite aux acquêts s’applique automatiquement
  • ✨ Le régime détermine ce qui entre dans la succession
  • ✨ La donation au dernier vivant renforce la protection du conjoint survivant
  • ✨ Le préciput permet de prélever des biens avant tout partage

Sans contrat de mariage, quel régime s’applique et que devient le patrimoine au décès ?

Réponse courte : En l’absence de contrat de mariage, la communauté réduite aux acquêts s’impose automatiquement. À la succession, seule la moitié des biens communs du défunt et ses biens propres sont partagés entre héritiers.

Ce régime légal régit la majorité des mariages français. Beaucoup d’époux ignorent ses mécanismes jusqu’au décès, moment où la liquidation révèle la répartition réelle.

Définition de la communauté réduite aux acquêts

Ce régime distingue trois masses patrimoniales :

  • Biens propres de chaque époux : reçus avant le mariage, par donation ou succession, ou à usage strictement personnel
  • Biens communs : acquis à titre onéreux pendant le mariage (salaires, résidence principale, placements)
  • Dettes : communes si contractées pour les besoins du ménage, propres sinon

Chaque conjoint reste propriétaire de ses biens propres, mais partage à 50/50 la masse commune.

Partage au décès : moitié des biens communs + biens propres

Au premier décès, la liquidation du régime intervient avant toute succession. Le notaire répartit la communauté : le conjoint survivant récupère automatiquement sa moitié. L’autre moitié rejoint les biens propres du défunt pour former la masse successorale.

Cette masse est ensuite partagée selon les droits légaux ou le testament du défunt, entre conjoint survivant et autres héritiers (enfants, ascendants).

Cas simple chiffré (résidence + épargne)

Patrimoine du couple :

  • Résidence principale (bien commun) : 400 000 €
  • Livret A commun : 50 000 €
  • Appartement propre du défunt (hérité de ses parents) : 150 000 €

Liquidation du régime :

  • Le conjoint récupère 50 % des biens communs = 225 000 € (200 000 € + 25 000 €)
  • Masse successorale du défunt = 225 000 € (moitié commun) + 150 000 € (propre) = 375 000 €

Ce montant est ensuite partagé entre le conjoint survivant et les enfants selon leurs droits légaux.

Masse patrimonialeMontantAttribution
Biens communs (RP + Livret A)450 000 €50 % conjoint / 50 % succession
Part du conjoint survivant225 000 €Récupération automatique
Bien propre du défunt150 000 €Intègre la succession
Masse successorale totale375 000 €À partager entre héritiers

Quel est l’impact du régime matrimonial sur la succession du conjoint survivant ?

Réponse courte : Le régime matrimonial détermine la taille de la masse successorale et le niveau de protection automatique du conjoint. Selon le régime, le survivant peut recevoir une part minimale ou maximale du patrimoine.

Choisir son régime, c’est arbitrer entre autonomie patrimoniale et protection mutuelle. Voici comment les trois principaux régimes influencent la succession.

Séparation de biens : droits du conjoint sans dispositions

Chaque époux conserve ses biens et revenus. Aucune masse commune n’existe. Au décès, seul le patrimoine propre du défunt entre en succession.

Protection du conjoint : faible par défaut. Sans donation ou testament, le survivant ne reçoit que ses droits légaux (1/4 en pleine propriété ou usufruit total selon présence d’enfants). La résidence commune, si elle appartenait au défunt, peut être perdue.

Ce régime convient aux patrimoines préexistants importants ou aux familles recomposées, mais impose de compléter par des dispositions (donation au dernier vivant, assurance-vie).

Communauté universelle : effet et limites (réserve)

Tous les biens, même antérieurs au mariage ou reçus par donation, tombent en communauté. Avec la clause d’attribution intégrale, le survivant reçoit 100 % du patrimoine au premier décès.

Protection maximale, mais attention : la réserve héréditaire des enfants reste intangible. Si des enfants non communs existent, ils peuvent contester l’attribution et réclamer leur réserve.

Idéal pour les couples sans enfants ou avec enfants communs uniquement, moins adapté aux familles recomposées.

Participation aux acquêts : logique et partage à la dissolution

Hybride entre séparation et communauté. Pendant le mariage, chacun gère ses biens comme en séparation. À la dissolution (décès, divorce), on calcule l’enrichissement de chacun : le moins enrichi reçoit la moitié de la différence.

Protection modérée : le conjoint survivant bénéficie d’une créance de participation, mais elle entre dans la succession et peut être soumise aux droits des autres héritiers.

Ce régime séduit les chefs d’entreprise souhaitant sécuriser leur outil professionnel tout en partageant les gains du ménage.

RégimeMasse successoraleProtection du conjointCas d’usage
Communauté réduite (légal)50 % biens communs + biens propresModérée (50 % communauté automatique)Primo-mariés, pas de patrimoine préexistant
Séparation de biens100 % biens propres du défuntFaible (nécessite dispositions complémentaires)Patrimoines importants, familles recomposées
Communauté universelle100 % du patrimoine communMaximale (attribution intégrale possible)Couples sans enfants ou enfants communs
Participation aux acquêtsBiens propres + créance de participationModérée (créance successorale)Chefs d’entreprise, autonomie + partage

Quelles options offre la donation au dernier vivant (usufruit, 1/4 PP, quotité disponible) ?

Réponse courte : La donation entre époux permet au conjoint survivant de choisir entre usufruit total, 1/4 en pleine propriété avec usufruit sur le reste, ou la quotité disponible en pleine propriété, selon le nombre d’enfants.

Cet outil, souvent abrégé DDV, renforce considérablement la protection du conjoint au-delà des droits légaux. Elle reste révocable à tout moment.

Conditions et forme (acte notarié, révocabilité)

La donation au dernier vivant nécessite un acte notarié. Elle peut être consentie par un seul époux (unilatérale) ou par les deux simultanément (réciproque).

Particularités :

  • Révocable unilatéralement sans justification
  • Produit effet uniquement au décès du donateur
  • Coût modéré : environ 150 à 300 €
  • Enregistrée au fichier central des dispositions de dernières volontés (FCDDV)

Le notaire en informe systématiquement le conjoint survivant lors de l’ouverture de la succession.

Trois options détaillées avec exemples chiffrés

Le bénéficiaire choisit l’option la plus favorable après le décès, en fonction de sa situation fiscale, patrimoniale et familiale.

Option 1 – Usufruit total :

Le conjoint reçoit l’usufruit de l’intégralité de la succession. Les enfants reçoivent la nue-propriété.

💡 Exemple chiffré : succession 500 000 €, usufruit total

Masse successorale : 500 000 €. Le conjoint perçoit les revenus (loyers, dividendes) et occupe la résidence. Les enfants attendent le second décès pour disposer des biens. Valeur fiscale de l’usufruit selon l’âge (barème fiscal) : 40 % si moins de 61 ans.

Avantage : le conjoint conserve son train de vie sans toucher au capital. Inconvénient : impossibilité de vendre sans accord des nus-propriétaires.

Option 2 – 1/4 en pleine propriété + usufruit sur le reste :

Le conjoint devient propriétaire définitif d’1/4 et usufruitier des 3/4 restants. Les enfants reçoivent la nue-propriété de ces 3/4.

💡 Exemple chiffré : succession 500 000 €, option mixte

Le conjoint récupère 125 000 € en pleine propriété (liquidités, placements) et l’usufruit de 375 000 € (résidence, immobilier locatif). Cette option permet de disposer librement d’une partie du patrimoine.

Lire aussi :  Refus de reconnaissance de paternité : démarches et recours

Avantage : flexibilité financière immédiate. Usage typique : financer des travaux, constituer une épargne de sécurité.

Option 3 – Quotité disponible en pleine propriété :

Le conjoint reçoit la quotité disponible (part non réservée aux enfants) en pleine propriété. Quotité variable : 1/2 avec 1 enfant, 1/3 avec 2, 1/4 avec 3 ou plus.

💡 Exemple chiffré : succession 500 000 €, 2 enfants

Quotité disponible = 1/3 = 166 667 € en pleine propriété pour le conjoint. Les 2/3 restants (réserve) = 333 333 € reviennent aux enfants en pleine propriété.

Avantage : liberté totale de gestion et transmission ultérieure. Idéal pour : familles recomposées, besoin de liquidités.

Choisir selon présence d’enfants communs ou non

Enfants communs uniquement : les trois options protègent efficacement sans risque de conflit. L’usufruit total assure revenus et usage du logement.

Famille recomposée : privilégier l’option 3 (quotité disponible) pour éviter les tensions. Les enfants non communs du défunt récupèrent rapidement leur réserve en pleine propriété.

Sans enfants : la quotité disponible atteint 100 % si aucun descendant, 3/4 si ascendants survivants. Le conjoint peut tout recevoir en pleine propriété.

Clause de préciput : quels biens peut-on prélever avant le partage ?

Réponse courte : Le préciput permet au conjoint survivant de prélever certains biens désignés (résidence principale, véhicule, comptes) avant tout partage successoral, sans indemniser les héritiers, dans la limite de la réserve héréditaire.

Cette clause, insérée dans le contrat de mariage, sécurise l’accès immédiat à des biens essentiels.

Biens éligibles (RP, mobilier, comptes désignés)

Seuls les biens communs peuvent faire l’objet d’un préciput. Les biens propres restent hors périmètre.

Biens fréquemment visés :

  • Résidence principale (immeuble et mobilier)
  • Véhicule familial
  • Comptes bancaires ou d’épargne désignés
  • Œuvres d’art, bijoux à usage personnel
  • Parts de SCI familiale

Le préciput peut être général (tous biens communs) ou limité (biens listés). La rédaction précise évite les contestations.

Rédaction et insertion dans le contrat

La clause se rédige lors de l’établissement du contrat de mariage ou par modification ultérieure (changement de régime). Le notaire veille à sa conformité avec la réserve héréditaire.

Exemple de rédaction :

« Au premier décès, le conjoint survivant pourra prélever, avant tout partage, la résidence principale sise [adresse], le véhicule immatriculé [numéro], et le compte joint ouvert auprès de [banque], sans indemnité. »

Effets pratiques au décès et articulation avec réserve

Au décès, le conjoint exerce son droit de préciput avant la liquidation du régime. Les biens prélevés sortent de la masse partageable. Le conjoint redevient seul propriétaire sans compensation.

Limite cruciale : le préciput ne doit pas porter atteinte à la réserve héréditaire des enfants. Si la valeur prélevée dépasse les droits du conjoint (après donation au dernier vivant), les héritiers réservataires peuvent réclamer une réduction.

Le notaire vérifie systématiquement cette conformité lors de la liquidation.

✓ Check-list préciput

  • Identifier les biens essentiels à sécuriser
  • Vérifier qu’ils sont bien communs
  • Rédiger la clause avec le notaire
  • Actualiser en cas d’acquisition de nouveaux biens clés
  • Anticiper l’impact sur la réserve des enfants

Assurance-vie et succession : les capitaux entrent-ils dans la succession ?

Réponse courte : Les capitaux d’assurance-vie sont hors succession civile et versés directement aux bénéficiaires désignés, sauf primes manifestement exagérées ou absence de bénéficiaire valide.

L’assurance-vie reste l’outil patrimonial le plus utilisé pour protéger le conjoint et transmettre hors droits de succession classiques.

Hors succession et clause bénéficiaire

Les sommes versées au décès ne rejoignent pas la masse successorale. Elles échappent au partage entre héritiers et transitent directement vers les bénéficiaires désignés dans la clause.

Clause standard : « Mon conjoint, à défaut mes enfants nés ou à naître, vivants ou représentés, par parts égales. »

Cette formulation couvre les évolutions familiales (naissances, décès). Une clause sur mesure permet de privilégier certains bénéficiaires ou d’organiser des legs échelonnés.

Fiscalité spécifique :

  • Versements avant 70 ans : abattement 152 500 € par bénéficiaire, puis 20 % jusqu’à 700 000 €
  • Versements après 70 ans : abattement global 30 500 €, puis droits de succession classiques sur les primes (capital hors intérêts)
  • Conjoint et partenaire de PACS : exonération totale quel que soit l’âge

Rôle du notaire, FICOVIE et versement

Depuis 2016, les assureurs déclarent les contrats au fichier FICOVIE (Fichier des Contrats d’assurance-Vie). Le notaire consulte ce fichier lors de l’ouverture de la succession pour identifier tous les contrats du défunt.

Procédure de versement :

  • Le bénéficiaire contacte l’assureur avec l’acte de décès
  • L’assureur demande les pièces justificatives (identité, RIB, lien familial)
  • Versement sous 1 mois après réception du dossier complet
  • Le notaire atteste que les primes ne sont pas manifestement exagérées

Le délai peut s’allonger si le notaire doit vérifier la régularité des versements.

Cas limites : primes exagérées, bénéficiaires non à jour

Primes manifestement exagérées : si les versements sont disproportionnés par rapport aux revenus, au patrimoine et à l’âge du souscripteur, les héritiers réservataires peuvent contester. Le juge apprécie au cas par cas. La fraction excessive réintègre la succession.

Exemple : un retraité modeste verse 300 000 € sur un contrat au profit de son conjoint trois mois avant son décès, alors qu’il n’a plus que 50 000 € de patrimoine. Les enfants peuvent saisir le tribunal.

Bénéficiaire décédé ou invalide : si le bénéficiaire désigné est prédécédé sans représentation prévue, le capital rejoint la succession du souscripteur.

✓ Bonnes pratiques assurance-vie

  • Relire la clause bénéficiaire tous les 5 ans
  • Adapter après mariage, PACS, divorce, naissance
  • Privilégier les clauses démembrées (usufruit/nue-propriété) pour optimiser fiscalité et réserve
  • Documenter les versements (origine des fonds, capacité contributive)
  • Informer les bénéficiaires de l’existence des contrats

Communauté universelle avec attribution intégrale : avantages et limites avec la réserve

Réponse courte : L’attribution intégrale au conjoint survivant offre une protection maximale en lui transférant 100 % du patrimoine, mais reste soumise à la réserve héréditaire des enfants, source de contentieux en familles recomposées.

Ce régime séduit les couples souhaitant une fusion patrimoniale totale et une transmission automatique.

Fonctionnement et transfert intégral au premier décès

La communauté universelle englobe tous les biens, quelle que soit leur origine : acquêts, biens antérieurs, donations et successions (sauf clause contraire du donateur). Avec la clause d’attribution intégrale, le patrimoine bascule automatiquement au survivant sans liquidation.

Avantages immédiats :

  • Le conjoint conserve 100 % de la jouissance et de la gestion
  • Aucun partage à organiser avec les enfants
  • Simplification administrative et notariale
  • Maintien du train de vie sans dépendance financière

Cette clause transforme le décès en un simple transfert, sans démembrement ni indivision.

Risques de contentieux avec enfants non communs

La réserve héréditaire protège les descendants du défunt. Si des enfants non communs existent (issus d’une union antérieure), ils conservent un droit sur la succession de leur parent.

Réserve selon le nombre d’enfants :

  • 1 enfant : 1/2 de la succession
  • 2 enfants : 2/3 de la succession
  • 3 enfants ou plus : 3/4 de la succession
Lire aussi :  Code du travail 2025 : prix, éditions et comparatif Dalloz vs LexisNexis vs Lefebvre

Les enfants non communs peuvent contester l’attribution intégrale et réclamer leur réserve. Le conjoint survivant devra alors indemniser, parfois en nature (vente d’un bien, partage de comptes).

Exemple : un homme en secondes noces a deux enfants d’un premier lit. Au décès, son épouse actuelle reçoit tout via l’attribution intégrale. Les enfants réclament leur réserve de 2/3 (soit 1/3 chacun). L’épouse devra leur verser cette part, ce qui peut nécessiter la vente de la résidence.

Alternatives : donation au dernier vivant + préciput

Pour les familles recomposées, mieux vaut privilégier un régime de séparation de biens assorti :

  • D’une donation au dernier vivant pour sécuriser le conjoint dans la limite de la quotité disponible
  • D’une clause de préciput sur la résidence principale
  • D’assurances-vie au profit du conjoint pour compléter

Cette combinaison protège le survivant tout en respectant les droits des enfants non communs, limitant les risques de conflit.

⚖️ Pour/Contre attribution intégrale

Pour : protection maximale du conjoint, simplicité, maintien du patrimoine intact, pas de partage immédiat.

Contre : risque de contentieux avec enfants non communs, nécessité d’indemniser la réserve, rigidité du dispositif, coût de liquidation différée au second décès.

Procédure : liquidation du régime, inventaire et rôle du notaire

Réponse courte : Avant tout partage successoral, le notaire liquide le régime matrimonial en dressant l’inventaire des biens, en qualifiant leur nature (propre ou commun) et en appliquant les droits du conjoint survivant.

Cette étape administrative structure toute la succession et conditionne les droits de chacun.

Étapes : inventaire, qualification, évaluation

1. Inventaire exhaustif :

Le notaire recense tous les actifs et passifs du défunt et du couple : comptes bancaires, biens immobiliers, placements, véhicules, meubles de valeur, crédits en cours, dettes fiscales.

Il interroge le FICOBA (Fichier des Comptes Bancaires) pour identifier les comptes, et le FICOVIE pour les assurances-vie.

2. Qualification des biens :

Chaque bien est classé en propre (hérité, reçu par donation, acquis avant mariage) ou commun (acquis pendant le mariage). Les actes d’acquisition, donations et testaments servent de preuve.

3. Évaluation :

Les biens sont estimés à leur valeur vénale au jour du décès. Pour l’immobilier, le notaire s’appuie sur des références locales ou un expert. Pour les placements, les relevés bancaires font foi.

Pièces à fournir et délais clés

Documents obligatoires :

  • Acte de décès et livret de famille
  • Contrat de mariage ou certificat de non-contrat
  • Titres de propriété (immobilier, véhicules)
  • Relevés bancaires et d’épargne des 3 derniers mois
  • Justificatifs de crédits en cours
  • Donations et testaments antérieurs
  • Avis d’imposition des 3 dernières années

Délais indicatifs :

  • Déclaration de succession : 6 mois (France métropolitaine), 12 mois (étranger)
  • Délai moyen de liquidation simple : 3 à 6 mois
  • Succession complexe (patrimoine diversifié, famille recomposée) : 12 à 18 mois

Un retard dans la déclaration entraîne des pénalités fiscales (0,40 % par mois de retard).

Coordination avec assurances et banques (FICOBA)

Le notaire centralise les démarches auprès des organismes financiers. Il demande le blocage provisoire des comptes du défunt pour protéger la succession, puis autorise le déblocage selon les droits de chacun.

FICOBA : ce fichier, tenu par la Direction Générale des Finances Publiques, recense tous les comptes bancaires ouverts en France. Le notaire y accède pour vérifier qu’aucun compte n’a été omis.

FICOVIE : fichier des contrats d’assurance-vie, consulté pour identifier les capitaux hors succession.

Le notaire contacte également les assureurs pour déclencher les versements aux bénéficiaires désignés.

✓ Check-list liquidation

  • Réunir tous les justificatifs patrimoniaux
  • Fournir le contrat de mariage au notaire
  • Recenser les donations antérieures rapportables
  • Signaler les biens détenus à l’étranger
  • Identifier les comptes joints et leurs origines de fonds
  • Déclarer les assurances-vie connues

Cas particuliers : familles recomposées, chefs d’entreprise, expatriation

Certaines situations exigent des arbitrages spécifiques pour concilier protection du conjoint et équité entre héritiers, tout en respectant la réserve.

Familles recomposées : éviter les conflits d’intérêts

Les familles recomposées cumulent les risques : enfants issus de lits différents, patrimoines antérieurs, tensions entre beau-parent et enfants non communs.

Recommandations :

  • Privilégier la séparation de biens pour préserver l’autonomie patrimoniale
  • Compléter par une donation au dernier vivant limitée à la quotité disponible (1/2 avec 1 enfant, 1/3 avec 2, 1/4 avec 3+)
  • Prévoir un préciput ciblé sur la résidence principale pour sécuriser le logement du survivant
  • Souscrire des assurances-vie croisées au profit du conjoint, hors succession
  • Organiser un pacte successoral (donation-partage) pour figer la répartition et éviter les contestations futures

Mini-cas : Marc, remarié avec Carole, a deux enfants d’un premier mariage. Il opte pour la séparation de biens, consent une donation au dernier vivant à Carole, et souscrit une assurance-vie de 200 000 € à son profit. À son décès, Carole récupère 1/3 de la succession (quotité disponible) + le capital AV hors succession. Les enfants reçoivent leur réserve de 2/3 sans conflit.

Dirigeants : sécuriser l’outil professionnel et le conjoint

Les chefs d’entreprise doivent protéger leur société tout en assurant le conjoint. La transmission d’une entreprise dans la succession peut diluer le capital ou provoquer une crise de gouvernance.

Stratégies adaptées :

  • Séparation de biens ou participation aux acquêts pour isoler l’outil professionnel de la communauté
  • Pacte Dutreil pour transmettre les parts avec abattement fiscal de 75 %
  • Clause d’agrément dans les statuts pour contrôler l’entrée d’héritiers au capital
  • Assurance homme-clé au profit de la société pour financer la transition
  • Donation au dernier vivant pour sécuriser le conjoint sans impacter la société

Mini-cas : Sophie dirige une SARL valorisée 1,5 M€. Elle adopte la participation aux acquêts, organise une donation-partage de ses parts aux enfants avec réserve d’usufruit, et souscrit une AV de 300 000 € au profit de son conjoint. À son décès, les enfants reçoivent la pleine propriété des parts (déjà transmises), le conjoint conserve ses droits successoraux sur le reste du patrimoine.

Expatriation : conflits de lois et choix de loi applicable

Les couples expatriés ou binationaux font face à des conflits de lois : quel pays régit la succession ? Le régime matrimonial français reste-t-il valable ?

Règlement européen 650/2012 : depuis 2015, la loi applicable à la succession est celle de la résidence habituelle du défunt au moment du décès. Exception : possibilité de choisir la loi de sa nationalité par testament (professio juris).

Stratégies préventives :

  • Rédiger un testament international désignant la loi applicable
  • Vérifier la reconnaissance du régime matrimonial français dans le pays de résidence
  • Consulter un notaire spécialisé en droit international
  • Prévoir des donations de son vivant pour éviter les blocages post-décès
  • Adapter les clauses bénéficiaires d’assurance-vie selon les législations locales

Mini-cas : Pierre, Français, réside à Singapour. Il rédige un testament choisissant la loi française pour sa succession. À son décès, le notaire français applique le droit français, même si Pierre résidait à l’étranger. Son conjoint bénéficie des protections françaises (donation au dernier vivant, réserve).

Comment choisir et aménager son régime avant le mariage (ou en changer) ?

Réponse courte : Le choix ou le changement de régime matrimonial nécessite un acte notarié. On peut y insérer des clauses sur-mesure (donation au dernier vivant, préciput, exclusion de certains biens) pour adapter la protection aux objectifs patrimoniaux.

Lire aussi :  Code de la construction et de l'habitation 2025 (CCH) : obligations, RE2020, procédures et responsabilités

Anticiper ce choix avant le mariage ou l’ajuster après plusieurs années structure durablement la sécurité financière du couple.

Choisir selon objectifs (protection, équité, fiscalité)

Questions à se poser :

  • Avons-nous des patrimoines préexistants importants ?
  • Des enfants d’unions antérieures existent-ils ?
  • L’un de nous exerce-t-il une profession libérale ou dirige-t-il une entreprise ?
  • Souhaitons-nous fusionner nos patrimoines ou conserver notre autonomie ?
  • Voulons-nous maximiser la protection du conjoint survivant ?

Objectifs et régimes correspondants :

  • Protection maximale du conjoint → Communauté universelle avec attribution intégrale
  • Équité entre enfants de lits différents → Séparation de biens + donation au dernier vivant mesurée
  • Sécuriser l’outil professionnel → Participation aux acquêts ou séparation
  • Simplicité et défaut → Communauté réduite aux acquêts (régime légal)

Clauses utiles : DDV, préciput, clauses d’exclusion

Le contrat de mariage peut intégrer des clauses personnalisées pour affiner la protection :

Donation au dernier vivant (DDV) : insérée directement dans le contrat ou par acte séparé. Renforce les droits du survivant au-delà du régime légal.

Clause de préciput : permet au conjoint de prélever certains biens avant partage (résidence, véhicule, comptes désignés).

Clause d’exclusion : exclut certains biens de la communauté (biens professionnels, héritage familial, œuvres d’art). Ils restent propres même acquis pendant le mariage.

Clause de prélèvement : autorise un époux à reprendre un bien commun moyennant indemnité, sans accord de l’autre ou de ses héritiers.

Clause de récompense : mécanisme pour compenser un enrichissement de la communauté par un bien propre (travaux sur immeuble propre financés par la communauté).

Changement de régime : conditions et effets

Depuis 2007, les époux peuvent changer de régime librement après 2 ans de mariage, par acte notarié. Plus besoin d’homologation judiciaire sauf opposition d’un enfant majeur ou d’un créancier.

Procédure :

  • Rédaction du nouveau contrat avec le notaire
  • Information des enfants majeurs et principaux créanciers (lettre recommandée)
  • Délai d’opposition de 3 mois
  • Absence d’opposition → acte définitif
  • Opposition → homologation par le tribunal judiciaire

Effets : le nouveau régime s’applique pour l’avenir. Les opérations passées restent régies par l’ancien régime. Un inventaire contradictoire est souvent dressé pour figer la situation patrimoniale au jour du changement.

✓ Check-list décisionnelle

  • Évaluer le patrimoine actuel de chaque époux
  • Identifier les enfants et leur filiation
  • Définir les objectifs (protection, équité, fiscalité)
  • Consulter un notaire pour simuler les effets de chaque régime
  • Prévoir les clauses complémentaires (DDV, préciput)
  • Anticiper l’évolution patrimoniale (héritage, entreprise)
  • Réviser tous les 5 à 10 ans selon les changements familiaux

Exemples chiffrés : qui reçoit quoi selon le régime et les options ?

Des cas concrets illustrent l’impact du régime et des options de protection sur la répartition finale du patrimoine.

Couple sans enfants, communauté réduite, sans DDV

Situation : Marc et Julie, mariés sans contrat, sans enfants. Marc décède.

Patrimoine :

  • Résidence principale (bien commun) : 500 000 €
  • Livret A commun : 80 000 €
  • Appartement propre de Marc (hérité) : 200 000 €

Liquidation :

  • Julie récupère 50 % des biens communs = 290 000 € (250 000 € + 40 000 €)
  • Masse successorale de Marc = 290 000 € (moitié commun) + 200 000 € (propre) = 490 000 €

Héritiers : sans enfants, les parents de Marc (si vivants) ou ses frères et sœurs héritent avec Julie.

Droits de Julie : en présence d’ascendants, Julie reçoit 1/2 en pleine propriété si un seul parent vivant, 1/3 si les deux. Le reste revient aux parents.

Répartition finale (parents de Marc vivants) :

  • Julie : 290 000 € (sa moitié de communauté) + 163 333 € (1/3 de la succession) = 453 333 €
  • Parents de Marc : 326 667 € (2/3 de la succession)
BénéficiairePart communautéPart successionTotal reçu
Julie (conjoint)290 000 €163 333 €453 333 €
Parents de Marc0 €326 667 €326 667 €

Couple avec 2 enfants, séparation + DDV (usufruit total)

Situation : Sophie et Luc, mariés sous séparation de biens avec DDV réciproque. Sophie décède. 2 enfants communs.

Patrimoine de Sophie :

  • Appartement (propre) : 400 000 €
  • PEA : 150 000 €
  • Assurance-vie au profit de Luc : 100 000 € (hors succession)

Masse successorale : 550 000 € (pas de communauté en séparation).

Droits de Luc avec DDV (option usufruit total) :

  • Luc choisit l’usufruit de 100 % de la succession
  • Les 2 enfants reçoivent la nue-propriété de 550 000 €
  • Luc perçoit les loyers de l’appartement et dispose du PEA (revenus)
  • Au décès de Luc, les enfants deviennent pleins propriétaires sans nouvelle succession

Répartition finale (usufruit 40 % si Luc a 60 ans) :

  • Luc : usufruit 220 000 € (valeur fiscale) + AV 100 000 € = 320 000 €
  • Enfants : nue-propriété 330 000 € (valeur fiscale) chacun
BénéficiaireType de droitValeur fiscaleHors succession (AV)
Luc (conjoint)Usufruit total220 000 €100 000 €
Enfant 1Nue-propriété 50 %165 000 €
Enfant 2Nue-propriété 50 %165 000 €

Communauté universelle + attribution intégrale, enfants non communs

Situation : Pierre, remarié avec Anne, a 2 enfants d’un premier mariage. Régime de communauté universelle avec attribution intégrale. Pierre décède.

Patrimoine commun :

  • Résidence principale : 600 000 €
  • Placements : 200 000 €
  • Patrimoine total : 800 000 €

Attribution intégrale : Anne reçoit 100 % du patrimoine (800 000 €).

Contestation des enfants : les 2 enfants de Pierre réclament leur réserve de 2/3 de la succession de leur père, soit 2/3 de 800 000 € = 533 333 €.

Indemnisation : Anne doit verser 533 333 € aux enfants. Elle peut conserver la résidence si elle dispose de liquidités, sinon elle devra vendre ou accepter une indivision.

Répartition finale après indemnisation :

  • Anne : 800 000 € – 533 333 € = 266 667 €
  • Enfants de Pierre : 266 667 € chacun (533 333 € / 2)
BénéficiaireAttribution initialeRéserve réclaméeMontant final
Anne (conjoint)800 000 €– 533 333 €266 667 €
Enfant 1 (non commun)0 €+ 266 667 €266 667 €
Enfant 2 (non commun)0 €+ 266 667 €266 667 €

Risque : si Anne ne peut pas indemniser immédiatement, les enfants peuvent demander la vente forcée de la résidence ou la constitution d’une hypothèque.

Bonnes pratiques et erreurs à éviter

Sécuriser sa succession et protéger son conjoint repose sur des réflexes simples mais essentiels, souvent négligés.

Mettre à jour la clause bénéficiaire AV et le contrat

Les événements familiaux (mariage, divorce, naissance, décès) rendent caduques les dispositions initiales. Une clause obsolète peut orienter les capitaux vers un ex-conjoint ou exclure des enfants.

Vérifications régulières :

  • Relire la clause tous les 5 ans minimum
  • Adapter après chaque changement de situation familiale
  • Privilégier les clauses démembrées (usufruit au conjoint, nue-propriété aux enfants) pour optimiser fiscalité et réserve
  • Informer les bénéficiaires de l’existence des contrats

Documenter l’origine des biens (propres/communs)

Lors de la liquidation, le notaire doit qualifier chaque bien. Sans preuve, un bien propre peut être requalifié en commun, diluant les droits.

Documents à conserver :

  • Actes de donation et de succession antérieurs
  • Contrats d’acquisition de biens propres (datés avant le mariage)
  • Relevés bancaires prouvant l’origine des fonds investis
  • Clauses d’exclusion dans les donations reçues pendant le mariage

Centraliser ces documents dans un coffre ou un dossier numérisé facilite le travail du notaire et évite les contestations.

Tester l’impact sur la réserve héréditaire avant signature

Toute disposition (donation au dernier vivant, préciput, attribution intégrale) doit respecter la réserve héréditaire des enfants. Un dépassement entraîne une réduction judiciaire, source de conflits.

Simulation préalable :

  • Évaluer le patrimoine actuel et prévisionnel
  • Calculer la réserve selon le nombre d’enfants (1/2, 2/3, 3/4)
  • Vérifier que les dispositions ne dépassent pas la quotité disponible
  • Ajuster les montants ou les options si nécessaire

Le notaire réalise cette simulation lors de la rédaction du contrat ou de la donation. Ne jamais signer sans avoir vérifié l’impact sur les héritiers réservataires.

Erreur fréquente : croire que l’attribution intégrale protège totalement le conjoint. En présence d’enfants non communs, elle peut se retourner contre le survivant et forcer la vente de biens clés.

Conclusion

Le régime matrimonial structure l’ensemble de la succession et détermine la protection réelle du conjoint survivant. Entre communauté, séparation, donation au dernier vivant et préciput, les leviers sont nombreux mais exigent anticipation et formalisation notariée. Familles recomposées, chefs d’entreprise, expatriés : chaque situation appelle un arbitrage sur-mesure pour concilier sécurité du conjoint et respect de la réserve. Le reste dépend de vous.

Avatar photo

Thomas Berland

Thomas Berland accompagne depuis plus de 10 ans des dirigeants de TPE/PME dans leurs prises de décision stratégiques, juridiques et fiscales. Entre entrepreneuriat, restructuration d’entreprise et optimisation financière, il partage sur A2JZ des conseils concrets et des décryptages utiles pour les pros. Son objectif : rendre accessibles les notions complexes du monde business à tous ceux qui veulent entreprendre efficacement.

Laisser un commentaire