Prestation compensatoire en cas de divorce pour faute : que faut-il savoir ?

Vous divorcez pour faute et vous vous demandez si la prestation compensatoire reste due. La faute n’exclut pas automatiquement ce droit : le juge examine d’abord la disparité des conditions de vie après divorce (article 271), puis apprécie s’il existe des circonstances exceptionnelles justifiant un refus au nom de l’équité (article 270). Capital échelonné sur 8 ans maximum ou rente viagère exceptionnelle : voici tout ce qu’il faut savoir pour défendre vos droits ou contester une demande.

SituationDroit en principeException possible (équité)
Divorce pour faute avec disparité économique avéréeOui – Prestation accordée si critères art. 271 remplisRefus si torts exclusifs très graves + absence de réelle disparité
Torts partagés avec disparité significativeOui – Fautes des deux époux ne font pas obstacleException d’équité encore plus rare en cas de torts partagés
Absence de disparité malgré la faute de l’autreNon – Pas de disparité = pas de prestationRefus fondé sur l’absence de disparité (critères art. 271)

L’essentiel en 1 minute

La prestation compensatoire vise à compenser la disparité de niveau de vie créée par le divorce, indépendamment des fautes commises par l’un ou l’autre époux. L’article 270 du Code civil pose le principe : même le conjoint fautif peut y prétendre, sauf si le juge considère qu’il serait inéquitable de l’accorder au regard des circonstances particulières de la rupture.

En résumé

  • La faute n’entraîne pas exclusion automatique du droit à prestation compensatoire
  • Le juge examine 8 critères (durée du mariage, âge, santé, carrière, patrimoine, retraites…)
  • Forme privilégiée en principe : capital (versement immédiat ou échelonné jusqu’à 8 ans)
  • Exception d’équité (art. 270) : refus possible en cas de torts exclusifs très graves

Faute ≠ exclusion automatique (art. 270) : exception d’équité uniquement

L’article 270 du Code civil dispose que le juge peut refuser la prestation compensatoire « en considération des circonstances particulières de la rupture ». Cette exception reste d’interprétation stricte : elle ne joue qu’en présence de torts exclusifs manifestes et particulièrement graves (violences répétées, spoliation du patrimoine, abandon brutal avec préjudice financier majeur), appréciés au regard de l’ensemble des critères de l’article 271.

Dans la majorité des cas, même si un conjoint a été déclaré fautif, le juge accorde la prestation dès lors qu’il constate une disparité significative entre les situations respectives après divorce. La faute peut toutefois influencer le montant ou la durée d’échelonnement dans l’appréciation d’ensemble du juge.

Critères de fixation (art. 271) en 1 phrase

Le juge fixe le montant et les modalités de la prestation compensatoire en tenant compte de huit critères cumulatifs énumérés à l’article 271 du Code civil : durée du mariage, âge et état de santé des époux, qualification professionnelle et situation au regard de l’emploi, conséquences des choix professionnels pour élever les enfants ou soutenir la carrière du conjoint, patrimoine estimé ou prévisible, droits existants et prévisibles, situation respective en matière de pensions de retraite.

Formes: capital (souvent) vs rente (rare) + échelonnement

Le juge privilégie en principe le versement en capital, soit immédiat (somme globale), soit échelonné sur une durée maximale de 8 ans. La rente viagère demeure une modalité peu fréquente : elle n’est envisagée que si l’âge ou l’état de santé du créancier ne permettent pas un versement en capital, et si le débiteur dispose de revenus réguliers suffisants.

L’échelonnement permet de lisser la charge financière pour le débiteur tout en sécurisant les droits du créancier. Une fois fixé en capital, le montant total n’est plus révisable, contrairement aux modalités de paiement (conversion en rente, substitution d’un bien) qui peuvent être modifiées selon les circonstances.

Le cadre légal en bref

Article 270: principe, exception d’équité, cas de refus

L’article 270 du Code civil énonce le principe selon lequel le divorce met fin au devoir de secours entre époux, mais l’un d’eux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives.

Le même article prévoit une exception : le juge peut refuser d’accorder une telle prestation si l’équité le commande, soit en considération des circonstances particulières de la rupture, soit de la situation des époux. Le refus au nom de l’équité suppose donc une appréciation globale tenant compte à la fois des circonstances de la rupture (gravité des torts) et de la situation patrimoniale et personnelle des époux (critères de l’article 271). Cette exception reste d’interprétation stricte : le juge doit motiver spécialement sa décision.

Article 271: liste des critères (durée, âge/santé, carrière, patrimoine, retraites)

L’article 271 du Code civil énumère les critères que le juge doit examiner pour fixer le montant de la prestation compensatoire. Ces critères permettent d’apprécier la disparité créée par le divorce et d’ajuster la prestation à la situation concrète des époux :

  • Durée du mariage : plus le mariage est long, plus la solidarité économique a été importante
  • Âge et état de santé : capacité à retrouver un emploi ou à améliorer ses revenus
  • Qualification professionnelle et situation au regard de l’emploi : diplômes, expérience, statut (CDI, chômage, inactivité)
  • Conséquences des choix professionnels pendant la vie commune : interruption de carrière pour élever les enfants, déménagement pour suivre le conjoint, refus de promotions
  • Patrimoine estimé ou prévisible : biens propres, biens communs après partage, donations ou successions à venir
  • Droits existants et prévisibles : pensions alimentaires, rentes, revenus locatifs
  • Situation respective en matière de pensions de retraite : trimestres validés, montants projetés, écarts prévisibles
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Le juge doit motiver sa décision au regard de chacun de ces critères. Un oubli ou une motivation insuffisante peut entraîner la cassation de la décision par la Cour de cassation.

Critère (art. 271)Indicateurs à analyserPièces à fournir
Durée du mariageNombre d’années de vie commune, période de solidarité économiqueActe de mariage, livret de famille
Âge et état de santéCapacité à retrouver un emploi, espérance de vie activeCertificats médicaux, reconnaissance handicap (RQTH)
Qualification et emploiDiplômes, expérience professionnelle, statut actuel (CDI, CDD, chômage)CV, diplômes, contrats de travail, bulletins de salaire, attestation Pôle emploi
Choix professionnelsInterruption de carrière, réduction du temps de travail, refus d’opportunitésAttestations employeur, historique de carrière, justificatifs congés parentaux
PatrimoineBiens propres, biens communs après partage, valeur nette (dettes déduites)Actes notariés, estimations immobilières, relevés bancaires, inventaires
Droits existantsPensions alimentaires, rentes d’accident, revenus locatifsJugements, contrats de bail, avis d’imposition
Droits prévisiblesSuccessions à venir, donations programméesAttestations notariales, testaments (si connus)
Pensions de retraiteTrimestres validés, montants estimés, écarts prévisibles entre épouxRelevés de carrière (CNAV, AGIRC-ARRCO), estimations indicatives globales (EIG)

Droits en cas de divorce pour faute

Le conjoint fautif peut-il obtenir une prestation ?

Oui, dans la très grande majorité des cas. Le principe posé par l’article 270 du Code civil est clair : la prestation compensatoire compense une disparité économique, elle ne sanctionne pas moralement. Même si le juge prononce le divorce aux torts exclusifs de l’époux qui demande la prestation, il l’accordera si une disparité avérée existe au regard des critères de l’article 271.

Je vois régulièrement des conjoints fautifs obtenir des prestations significatives, car la faute matrimoniale (adultère, violences verbales, abandon du domicile) ne dit rien de la dépendance économique créée pendant le mariage. Une épouse ayant sacrifié sa carrière pour élever les enfants conserve son droit à prestation, même si elle a commis une faute.

Quand le juge refuse « par équité » (circonstances particulières)

Le refus au nom de l’équité (article 270, alinéa 2) intervient dans des situations exceptionnelles cumulant généralement deux éléments d’appréciation :

  • Des torts exclusifs particulièrement graves : violences physiques répétées ayant entraîné un préjudice majeur, dilapidation volontaire du patrimoine commun, abandon brutal avec spoliation financière
  • Une disparité faible ou inexistante : le demandeur dispose de ressources suffisantes (patrimoine propre, revenus professionnels élevés, absence de sacrifice professionnel pendant le mariage) au regard des critères de l’article 271

Exemple illustratif : un conjoint qui quitte brutalement le domicile conjugal, vide les comptes bancaires communs et demande ensuite une prestation alors qu’il dispose d’un patrimoine propre conséquent et de revenus professionnels supérieurs à ceux de son ex-conjoint peut se voir opposer un refus au nom de l’équité. Le juge doit toutefois motiver spécialement sa décision et démontrer que l’octroi de la prestation serait manifestement contraire à l’équité.

Cumul possible avec des dommages-intérêts (préjudice distinct)

La prestation compensatoire et les dommages-intérêts répondent à des logiques distinctes et peuvent donc se cumuler. La prestation compense la disparité économique créée par le divorce, tandis que les dommages-intérêts réparent un préjudice spécifique causé par les fautes de l’autre époux (violences, adultère, atteinte à la réputation).

Concrètement, vous pouvez obtenir une prestation compensatoire pour compenser votre perte de niveau de vie ET des dommages-intérêts pour réparer le préjudice moral ou matériel subi du fait des violences conjugales, par exemple. Les deux montants s’ajoutent, mais le juge veille à ce que la somme totale reste cohérente et proportionnée.

Modalités: capital, rente, mixte

Capital immédiat ou échelonné (jusqu’à 8 ans)

Le capital est la forme privilégiée en principe par l’article 270 du Code civil. Il peut être versé en une seule fois (capital immédiat) ou échelonné sur une durée maximale de 8 ans, selon les facultés contributives du débiteur. L’échelonnement permet de lisser la charge financière tout en préservant les droits du créancier.

Une fois le capital fixé, son montant total est définitif : il ne peut être révisé, même en cas de changement de situation (chômage, maladie). Seules les modalités de paiement peuvent être modifiées (conversion en rente, substitution d’un bien en paiement, prolongation exceptionnelle au-delà de 8 ans en cas de difficultés graves).

ModalitéAvantagesInconvénients / LimitesCas d’usage
Capital immédiatRèglement définitif, pas de lien futur avec débiteur, montant non révisableSuppose que débiteur dispose de liquidités ou patrimoine mobilisableDébiteur avec patrimoine important ou revenus très élevés
Capital échelonné (≤ 8 ans)Lisse la charge, montant total définitif, sécurise le créancierDurée max 8 ans, risque de défaillance du débiteurSituation standard, débiteur avec revenus stables
Rente viagèreS’adapte à l’espérance de vie du créancier, révisable en cas de changementLien permanent avec débiteur, incertitude, fiscalité variableCréancier âgé ou malade, capital impossible, débiteur avec revenus réguliers
Forme mixteCombine sécurité du capital et souplesse de la renteComplexité administrative, double régime fiscalSituations intermédiaires, compromis négocié entre époux

Rente viagère: cas d’usage peu fréquents

La rente viagère demeure une modalité peu fréquente dans la pratique judiciaire. Elle n’est envisagée que lorsque l’âge ou l’état de santé du créancier ne permettent pas le versement d’un capital et que le débiteur dispose de revenus réguliers et suffisants. Elle est révisable, contrairement au capital, en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre partie.

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Exemple illustratif : une épouse de 65 ans, sans qualification professionnelle, en mauvaise santé et sans patrimoine, pourra obtenir une rente viagère si son ex-conjoint dispose de revenus stables (retraite confortable, revenus locatifs). En revanche, si le débiteur exerce une activité indépendante aux revenus fluctuants, le juge préférera généralement un capital échelonné sur 8 ans.

Conversion/révision: ce qui est (et n’est pas) révisable

Une fois fixé en capital, le montant total n’est jamais révisable, même en cas de changement majeur de situation (chômage, invalidité, héritage). Cette règle garantit la sécurité juridique et évite les contentieux répétés.

En revanche, les modalités de paiement peuvent être modifiées sur demande justifiée :

  • Conversion du capital en rente : si le débiteur ne peut plus honorer les échéances, le juge peut convertir le solde en rente viagère
  • Substitution d’un bien : attribution d’un bien immobilier en paiement de la prestation (avec accord du créancier ou décision du juge)
  • Prolongation exceptionnelle : au-delà de 8 ans si le débiteur justifie de difficultés graves et temporaires

Pour une rente viagère, la révision (à la hausse ou à la baisse) est possible en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une des parties. Le demandeur doit prouver un bouleversement significatif (perte d’emploi durable, aggravation de l’état de santé, héritage conséquent).

Méthode pratique: préparer sa demande (ou sa défense)

Check-list de pièces: revenus, charges, patrimoine, retraites, justificatifs de choix de carrière

Pour défendre efficacement vos droits (en tant que demandeur ou défendeur), constituez un dossier complet rassemblant les pièces suivantes :

✅ Checklist : dossier prestation compensatoire

  • Revenus : 3 derniers bulletins de salaire, avis d’imposition N-1 et N-2, attestation Pôle emploi si chômage
  • Charges : quittances de loyer ou échéancier crédit immobilier, factures énergie/assurances, pensions alimentaires versées
  • Patrimoine : estimations immobilières, relevés bancaires, inventaire des biens meubles, contrats d’assurance-vie
  • Retraites : relevés de carrière (CNAV, AGIRC-ARRCO), estimation indicative globale (EIG), simulation de pension
  • Choix de carrière : attestations employeur, contrats de travail successifs, preuves d’interruptions (congés parentaux, déménagements)
  • État de santé : certificats médicaux, reconnaissance de handicap (RQTH), attestations de soins réguliers
  • Durée du mariage : acte de mariage, livret de famille, preuves de la vie commune effective

Plus votre dossier est complet et structuré, plus vous facilitez le travail du juge et renforcez votre crédibilité. À l’inverse, un dossier lacunaire affaiblit votre position et peut conduire à un montant insuffisant (demandeur) ou excessif (défendeur).

Construire un budget prévisionnel et scénariser l’après-divorce

Le juge apprécie la disparité en projetant les conditions de vie futures des époux. Il ne s’agit pas seulement de comparer les revenus actuels, mais d’anticiper l’évolution prévisible : possibilité de retrouver un emploi, accès à la retraite, charges incompressibles (loyer, crédits), niveau de vie pendant le mariage.

Construisez un budget mensuel prévisionnel réaliste :

  • Revenus prévisibles : salaire après divorce, allocations (RSA, APL), pensions alimentaires reçues
  • Charges incompressibles : loyer ou crédit, énergie, assurances, frais de transport, mutuelle
  • Charges liées aux enfants : scolarité, garde, activités extra-scolaires (hors pension alimentaire)
  • Niveau de vie pendant le mariage : budget moyen mensuel du couple, habitudes de consommation

Comparez votre situation future avec celle de votre ex-conjoint : si l’écart est significatif et durable, la prestation compensatoire se justifie. Préparez plusieurs scénarios (retour à l’emploi rapide, retour à l’emploi lent, inactivité définitive) pour argumenter de manière réaliste.

Argumenter sur les critères de l’art. 271 (exemples concrets)

Le juge doit examiner chacun des 8 critères de l’article 271. Voici comment structurer votre argumentaire pour maximiser vos chances :

  • Durée du mariage : « Mariés depuis 22 ans, nous avons construit ensemble un patrimoine et un mode de vie. Cette longue durée justifie une compensation significative. »
  • Âge et santé : « À 54 ans, avec une pathologie chronique (certificat médical joint), mes chances de retrouver un emploi stable sont réduites. »
  • Qualification/emploi : « Titulaire d’un CAP, j’ai interrompu ma carrière en 2005 pour élever nos trois enfants. Mes compétences sont obsolètes sur le marché du travail actuel. »
  • Choix professionnels : « J’ai refusé plusieurs promotions nécessitant des déplacements pour privilégier la garde des enfants et accompagner les mutations professionnelles de mon conjoint. »
  • Patrimoine : « Après partage de la communauté, je ne disposerai que de 35 000 €, alors que mon ex-conjoint conservera un patrimoine de 280 000 €, dont une résidence principale sans crédit. »
  • Droits prévisibles : « Aucune succession prévisible à court terme. Mon ex-conjoint héritera vraisemblablement d’un bien immobilier de ses parents dans les 10 prochaines années. »
  • Retraites : « J’ai validé 82 trimestres contre 168 pour mon ex-conjoint. Ma pension prévisionnelle est de 720 €/mois, contre 2 400 €/mois pour lui. »

Chaque critère doit être documenté par des pièces et illustré par des exemples concrets. Évitez les affirmations vagues ou émotionnelles : restez factuel et chiffré.

Jurisprudence utile (sélection commentée)

Acceptation malgré faute (disparité avérée > faute)

La jurisprudence rappelle régulièrement que la faute ne fait pas obstacle à l’octroi d’une prestation compensatoire dès lors qu’une disparité existe. Les juges privilégient une approche pragmatique centrée sur les critères de l’article 271 :

  • Cas illustratif n°1 : Une épouse divorcée à ses torts exclusifs pour abandon du domicile conjugal obtient une prestation compensatoire substantielle car elle a sacrifié sa carrière pour élever les enfants et ne dispose d’aucun patrimoine propre. Le juge constate une disparité majeure qui prime sur la faute.
  • Cas illustratif n°2 : Un époux adultère, sans emploi stable après de nombreuses années de mariage, obtient une prestation compensatoire échelonnée. La cour d’appel rappelle que l’adultère n’est pas en soi une circonstance particulière justifiant un refus au sens de l’article 270.
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Ces exemples illustrent la distinction opérée par les juridictions entre responsabilité matrimoniale (faute) et réparation de la disparité économique (prestation compensatoire).

Refus au nom de l’équité (torts exclusifs / circonstances graves)

Le refus au nom de l’équité demeure exceptionnel et suppose des torts particulièrement graves cumulés à une absence de disparité réelle ou à des éléments rendant l’octroi de la prestation manifestement inéquitable :

  • Cas illustratif n°1 : Une épouse ayant volontairement dilapidé le patrimoine commun (retraits massifs, donations à des tiers) et disposant d’un patrimoine propre conséquent se voit refuser toute prestation compensatoire. Le juge estime qu’il serait inéquitable de compenser une disparité créée par les agissements fautifs du demandeur.
  • Cas illustratif n°2 : Un époux condamné pour violences conjugales graves, disposant de revenus équivalents à ceux de son ex-conjointe et d’un patrimoine propre, se voit opposer un refus au nom de l’équité. La juridiction motive sa décision par la gravité des fautes et l’absence de sacrifice professionnel pendant le mariage.

Ces situations rappellent que l’exception d’équité ne joue que dans des configurations où accorder la prestation apparaîtrait comme manifestement contraire à la justice au regard de l’ensemble des circonstances.

Fiscalité et paiement

Capital (versement < ou > 12 mois)

Le régime fiscal du capital varie selon la modalité de versement retenue par le juge. En principe, et sous réserve des dispositions fiscales applicables à votre situation :

  • Versement en une fois ou sur moins de 12 mois : en principe, le capital n’est pas déductible pour le débiteur et n’est pas imposable pour le créancier. C’est généralement le régime le plus simple.
  • Versement échelonné sur plus de 12 mois : selon le régime applicable, chaque versement peut être déductible du revenu imposable du débiteur (dans certaines limites) et imposable comme pension alimentaire pour le créancier. Ce régime peut présenter des avantages ou inconvénients selon les situations fiscales respectives.

⚠️ Important : Le régime fiscal des prestations compensatoires est complexe et évolue. Les règles applicables dépendent de la date du jugement, de la forme de la prestation et de votre situation personnelle. Il est vivement recommandé de consulter un conseil fiscal ou un avocat spécialisé pour vérifier le régime applicable à votre cas avant toute décision.

Fiscalité de la rente viagère: grands principes

La rente viagère suit en principe le régime fiscal des pensions alimentaires : elle est généralement déductible pour le débiteur et imposable pour le créancier dans la catégorie des pensions et rentes viagères à titre gratuit, selon les règles fiscales en vigueur.

Le créancier peut bénéficier d’un abattement sur le montant imposable, comme pour les pensions de retraite. Si ses revenus globaux (rente + autres ressources) restent faibles, il peut également conserver le bénéfice de certaines aides sociales sous conditions.

La rente viagère crée un lien fiscal permanent entre les ex-époux. Toute modification du montant (révision à la hausse ou à la baisse) impacte les déclarations fiscales des deux parties. Consultez un conseil fiscal pour vérifier les implications concrètes dans votre situation.

FAQ

Le conjoint fautif a-t-il droit à la prestation compensatoire ?

Oui, sauf circonstances exceptionnelles. La prestation compensatoire vise à compenser une disparité économique, indépendamment des fautes commises. Le juge examine d’abord la différence de niveau de vie créée par le divorce au regard des critères de l’article 271, puis décide s’il existe des raisons d’équité pour refuser la prestation (torts exclusifs très graves et absence de réelle disparité).

Quels critères le juge retient-il concrètement (art. 271) ?

Le juge examine 8 critères obligatoires énumérés à l’article 271 du Code civil : durée du mariage, âge et état de santé, qualification professionnelle et situation au regard de l’emploi, conséquences des choix professionnels, patrimoine actuel et prévisible, droits existants et prévisibles, pensions de retraite. Chaque critère doit être motivé dans la décision et documenté par des pièces justificatives.

Capital ou rente: que privilégient les juges ?

Les juges privilégient en principe le versement en capital, conformément à l’article 270 du Code civil. Le capital peut être immédiat ou échelonné sur une durée maximale de 8 ans. La rente viagère demeure une modalité peu fréquente : elle n’est envisagée que si l’âge ou l’état de santé du créancier ne permettent pas un capital et si le débiteur dispose de revenus réguliers suffisants.

Peut-on refuser la prestation en cas de torts exclusifs ?

Oui, mais uniquement par application de l’exception d’équité prévue par l’article 270, alinéa 2 du Code civil. Le juge peut refuser la prestation si les torts exclusifs du demandeur sont particulièrement graves ET si les circonstances particulières de la rupture ou la situation des époux rendent l’octroi manifestement inéquitable. Ce refus reste d’interprétation stricte et doit être spécialement motivé.

Existe-t-il un barème officiel de calcul ?

Non, aucun barème légal n’existe. Le juge fixe librement le montant en tenant compte des 8 critères de l’article 271 et de la situation concrète des époux. Certains praticiens utilisent des méthodes de calcul indicatives (pistes doctrinales basées sur des coefficients multiplicateurs), mais elles n’ont aucune valeur contraignante et ne s’imposent pas au juge. Chaque situation est appréciée au cas par cas.

La prestation peut-elle être cumulée avec des dommages-intérêts ?

Oui, les deux indemnisations sont cumulables car elles répondent à des logiques distinctes. La prestation compensatoire compense la disparité économique créée par le divorce, tandis que les dommages-intérêts réparent un préjudice spécifique (violences, atteinte à la réputation). Les montants s’ajoutent, sous réserve que le juge veille à la cohérence d’ensemble de la réparation.

Ressources et modèles

Modèle de liste de pièces à verser au dossier

Voici un modèle de bordereau récapitulatif à joindre à votre demande ou défense :

BORDEREAU DE PIÈCES – PRESTATION COMPENSATOIRE

I. Revenus et charges

  • Pièce 1 : Bulletins de salaire (3 derniers mois)
  • Pièce 2 : Avis d’imposition N-1 et N-2
  • Pièce 3 : Attestation Pôle emploi (le cas échéant)
  • Pièce 4 : Quittances de loyer ou échéancier crédit immobilier (6 derniers mois)
  • Pièce 5 : Factures énergie, assurances, mutuelle

II. Patrimoine

  • Pièce 6 : Estimation immobilière (biens propres et communs)
  • Pièce 7 : Relevés bancaires (3 derniers mois)
  • Pièce 8 : Inventaire des biens meubles
  • Pièce 9 : Contrats d’assurance-vie, PEA, placements

III. Retraites

  • Pièce 10 : Relevés de carrière (CNAV, AGIRC-ARRCO)
  • Pièce 11 : Estimation indicative globale (EIG)
  • Pièce 12 : Simulation de pension de retraite

IV. Carrière et choix professionnels

  • Pièce 13 : CV détaillé
  • Pièce 14 : Diplômes et certifications
  • Pièce 15 : Contrats de travail successifs
  • Pièce 16 : Attestations employeur (interruptions, refus de promotions)
  • Pièce 17 : Justificatifs congés parentaux

V. État de santé

  • Pièce 18 : Certificats médicaux
  • Pièce 19 : Reconnaissance RQTH (le cas échéant)

VI. Durée du mariage

  • Pièce 20 : Acte de mariage
  • Pièce 21 : Livret de famille

Grille d’auto-évaluation (disparité actuelle vs projetée)

Utilisez cette grille pour anticiper la disparité que le juge constatera après divorce :

CritèreVousVotre ex-conjointÉcart
Revenus mensuels nets_______ €_______ €_______ €
Charges mensuelles_______ €_______ €_______ €
Reste à vivre_______ €_______ €_______ €
Patrimoine net_______ €_______ €_______ €
Pension retraite prévisible_______ €_______ €_______ €

Plus les écarts sont significatifs, plus la prestation compensatoire se justifie. Cette grille vous aide à objectiver la disparité et à anticiper l’évaluation que le juge pourrait faire. N’hésitez pas à consulter un avocat spécialisé en droit de la famille pour affiner votre stratégie et maximiser vos chances d’obtenir (ou de contester) une prestation juste et équilibrée.

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Thomas Berland

Thomas Berland accompagne depuis plus de 10 ans des dirigeants de TPE/PME dans leurs prises de décision stratégiques, juridiques et fiscales. Entre entrepreneuriat, restructuration d’entreprise et optimisation financière, il partage sur A2JZ des conseils concrets et des décryptages utiles pour les pros. Son objectif : rendre accessibles les notions complexes du monde business à tous ceux qui veulent entreprendre efficacement.

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