Infraction insuffisamment caractérisée (classement 21) : définition, conséquences et recours

Recevoir un avis de classement sans suite code 21 peut désorienter les victimes. Cette décision signifie que le procureur de la République estime les preuves insuffisantes pour caractériser l’infraction et engager des poursuites pénales. Loin d’être définitive, elle n’équivaut pas à un jugement d’innocence et peut être contestée par plusieurs voies de recours dans des délais précis.

L’essentiel à retenir

  • Classement 21 : infraction insuffisamment caractérisée, fondé sur l’article 40-1 du Code de procédure pénale (opportunité des poursuites)
  • Pas un jugement : le procureur estime que les preuves sont insuffisantes, mais cela ne signifie pas que les faits n’ont pas eu lieu
  • Pas au casier judiciaire mais possible inscription au TAJ (Traitement des Antécédents Judiciaires) pour le mis en cause
  • 3 voies de recours : recours hiérarchique (art. 40-3), plainte avec constitution de partie civile (art. 85), ou citation directe

Définition juridique et motifs fréquents

Le classement sans suite repose sur l’article 40-1 du Code de procédure pénale, qui confère au procureur de la République le pouvoir d’apprécier l’opportunité des poursuites. Le code 21, « infraction insuffisamment caractérisée », constitue le motif le plus fréquent de classement.

Cette décision intervient lorsque le procureur estime que les éléments constitutifs de l’infraction ne sont pas réunis de manière suffisamment probante pour engager une action pénale. Concrètement, cela signifie que les preuves disponibles ne permettent pas d’établir avec certitude la matérialité des faits, l’élément intentionnel ou le lien de causalité.

Motifs typiques menant au classement 21

  • Manque de preuves matérielles : absence de traces physiques, d’enregistrements ou de documents probants
  • Éléments constitutifs incomplets : l’infraction nécessite plusieurs conditions cumulatives qui ne sont pas toutes démontrées (exemple : agression sexuelle où le non-consentement n’est pas établi)
  • Témoignages contradictoires : versions divergentes entre plaignant et mis en cause, sans élément objectif pour trancher
  • Doute sur l’auteur : impossibilité d’identifier formellement la personne responsable
  • Chronologie floue : imprécisions sur les dates, lieux ou circonstances rendant l’enquête impossible

Codes de classement voisins

Le classement 21 se distingue d’autres codes fréquents :

  • Code 48 : « préjudice peu important causé par l’infraction » (raison d’opportunité, non de preuve)
  • Code 71 : « auteur inconnu » (l’infraction est établie, mais l’auteur n’a pu être identifié)
  • Code 31 : « extinction de l’action publique » (prescription, retrait de plainte, décès…)
Lire aussi :  Code de la sécurité intérieure : contenu, Livres clés et articles à connaître en 2025

Conséquences pratiques : casier judiciaire vs TAJ

La principale interrogation après un classement 21 concerne les traces administratives et leurs effets sur l’avenir professionnel ou personnel des personnes concernées.

FichierCe qui s’inscritEffetsComment agir
Casier judiciaireNon – Un classement sans suite n’est jamais inscrit au casierAucun impact sur le bulletin n°2 ou n°3Aucune démarche nécessaire
TAJ (Traitement des Antécédents Judiciaires)Oui – Les données du mis en cause peuvent être conservées (identité, faits dénoncés, classement)Consultation lors d’enquêtes administratives (recrutements publics, habilitations, naturalisation) ; blocage professionnel possibleDemande d’effacement ou de rectification auprès du Procureur de la République ou de la CNIL
Conservation TAJDurée variable : 5 à 20 ans selon la nature des faitsMention empêchant la consultation lors d’enquêtes administratives si classement sans suite ou non-lieu (sauf ordre contraire du Procureur)Vérifier l’exactitude des données ; demander rectification si erreur

📋 Démarches pour le TAJ

Demande d’effacement ou de rectification
Si vous êtes concerné par une inscription au TAJ suite à un classement 21, vous pouvez demander son effacement au Procureur de la République du tribunal ayant traité l’affaire. En cas de refus, un recours est possible auprès de la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés).

Conditions d’effacement
Pour les classements sans suite, le Procureur peut ordonner directement l’effacement. Dans les autres cas, votre bulletin n°2 du casier judiciaire doit être vierge de toute mention pénale pour pouvoir demander l’effacement du TAJ.

Impact des manquements administratifs
La CNIL a récemment rappelé à l’ordre les ministères de l’Intérieur et de la Justice pour leur mauvaise gestion du TAJ : données inexactes, incomplètes, non-transmission automatique des décisions de classement sans suite. Ces dysfonctionnements justifient d’autant plus une demande de vérification et de rectification.

Reprise possible des poursuites

Le classement sans suite n’a pas autorité de chose jugée. Le procureur peut revenir sur sa décision à tout moment avant la prescription de l’action publique, sans avoir à justifier de faits nouveaux. Les délais de prescription varient selon la nature de l’infraction : 1 an pour les contraventions, 6 ans pour les délits, 20 ans pour les crimes.

Contester un classement 21 : vos 3 voies

Un classement 21 n’est jamais définitif. Trois voies de recours permettent de contester cette décision et de tenter de relancer l’action pénale.

Lire aussi :  Images non contractuelles : quelle valeur juridique ?
RecoursPrincipeDélai / CoûtAvantages / Limites
Recours hiérarchique (art. 40-3 CPP)Courrier LRAR au Procureur Général près la Cour d’appel contestation de la décision du Procureur de la RépubliqueAucun délai légal strict (3 mois conseillés) ; gratuit+ Simple, rapide, gratuit
Pas de garantie d’aboutissement ; le Procureur Général peut confirmer le classement
Plainte avec constitution de partie civile (art. 85 CPP)Saisine du Doyen des Juges d’Instruction par courrier ou dépôt au greffe ; obligation de consignationPossible après notification du classement ou 3 mois sans réponse ; consignation 0 à 5 000 € (selon revenus)+ Déclenche une instruction obligatoire ; suivi du dossier
Coût de la consignation ; risque d’amende civile si plainte abusive (max 15 000 €)
Citation directeConvocation directe de l’auteur présumé devant le tribunal correctionnel ou de police par acte d’huissierDélais légaux de comparution à respecter ; frais d’huissier + avocat + éventuelle consignation+ Rapidité ; pas d’enquête préalable ; retrait possible à tout moment
Coût élevé ; risque de relaxe et d’amende civile (max 15 000 €) si citation abusive

Contenu type du recours hiérarchique (art. 40-3)

Le recours auprès du Procureur Général doit contenir :

  • Vos coordonnées complètes (nom, adresse, téléphone, email)
  • Référence du classement (numéro de parquet, date de notification)
  • Exposé des faits de manière chronologique et factuelle
  • Critiques motivées du classement (éléments de preuve non exploités, erreurs d’appréciation)
  • Nouveaux éléments si vous en disposez (témoignages, pièces complémentaires)
  • Demande explicite d’enjoindre au Procureur de la République d’engager des poursuites

Envoyez ce courrier en recommandé avec accusé de réception au Procureur Général près la Cour d’appel territorialement compétente. Joignez une copie de l’avis de classement sans suite et tous les justificatifs pertinents.

Renforcer son dossier : preuves et erreurs fréquentes

Pour éviter un classement 21 initial ou maximiser les chances d’un recours favorable, la qualité du dossier de preuves reste déterminante.

✅ Checklist des preuves à rassembler

  • Preuves matérielles : objets, documents originaux, traces physiques, photos datées et localisées
  • Témoignages écrits : attestations sur formulaire Cerfa n°11527*03, signées et accompagnées d’une copie de pièce d’identité
  • Certificats médicaux : constatations de blessures, troubles psychologiques, arrêts de travail
  • Traces numériques : SMS, emails, captures d’écran horodatées, enregistrements audio/vidéo (attention aux règles de preuve)
  • Main courante ou dépôt de plainte initial : récépissé officiel prouvant la déclaration rapide des faits
  • Factures et justificatifs : preuves de dommages matériels, frais engagés, perte de revenus
  • Chronologie détaillée : timeline précise des événements avec dates, heures, lieux et personnes présentes
Lire aussi :  Code civil 2026 : nouveautés et changements à connaître

Erreurs fréquentes qui mènent au classement 21

  • Déclarations vagues : « il m’a agressé » sans préciser le type d’agression, les circonstances exactes, les témoins
  • Absence de pièce clé : oublier de joindre le certificat médical, les captures d’écran ou les factures de réparation
  • Témoignages non formalisés : « ma voisine a tout vu » mais aucune attestation écrite et signée
  • Chronologie incohérente : contradictions entre la plainte initiale et les déclarations ultérieures
  • Retard dans le dépôt de plainte : attendre plusieurs mois sans justification, ce qui affaiblit la crédibilité
  • Preuves illégales : enregistrements clandestins sans consentement, violation de domicile pour récupérer des documents

Conseils de forme

  • Dates précises : « le 15 mars 2025 vers 14h30 » plutôt que « au mois de mars »
  • Références complètes : noms, adresses, numéros de téléphone de tous les témoins
  • Courriers recommandés AR : toute communication avec le parquet ou la police
  • Copies systématiques : conservez un double de chaque pièce transmise
  • Assistance d’un avocat : pour structurer le dossier et éviter les erreurs procédurales

FAQ

Le classement 21 est-il inscrit au casier judiciaire ?

Non. Un classement sans suite, quel que soit son code (21, 48, 71…), n’est jamais inscrit au casier judiciaire. Ni le bulletin n°2 ni le bulletin n°3 ne mentionnent cette décision. En revanche, le mis en cause peut voir ses données enregistrées au TAJ (Traitement des Antécédents Judiciaires), fichier consulté lors d’enquêtes administratives pour certains emplois publics, habilitations ou demandes de naturalisation. Une mention spécifique empêche normalement la consultation lors de ces enquêtes, sauf ordre contraire du Procureur. Il est possible de demander l’effacement du TAJ auprès du Procureur de la République ou, en cas de refus, auprès de la CNIL.

Quels recours et délais après une notification de classement 21 ?

Trois recours principaux existent. Le recours hiérarchique (article 40-3 CPP) auprès du Procureur Général près la Cour d’appel peut être formé sans délai strict, mais il est conseillé d’agir dans les 3 mois suivant la notification. La plainte avec constitution de partie civile (article 85 CPP) devant le Doyen des Juges d’Instruction est possible dès notification du classement ou après un délai de 3 mois sans réponse du parquet ; elle nécessite une consignation (0 à 5 000 € selon revenus). La citation directe permet de convoquer directement l’auteur devant le tribunal correctionnel ou de police, avec des frais d’huissier et d’avocat à prévoir. Attention : tant que la prescription n’est pas acquise (1 an pour les contraventions, 6 ans pour les délits, 20 ans pour les crimes), tous ces recours restent ouverts.

Peut-on rouvrir après un 21 si j’apporte de nouveaux éléments ?

Oui, absolument. Le classement sans suite n’a pas autorité de chose jugée, ce qui signifie qu’il n’est jamais définitif. Le Procureur de la République peut revenir sur sa décision à tout moment avant la prescription de l’action publique, et ce même sans faits nouveaux. Si vous disposez de nouveaux éléments de preuve (témoignage inédit, document retrouvé, expertise complémentaire), vous pouvez les transmettre au parquet par courrier recommandé avec AR, accompagné d’une demande de réexamen du dossier. Vous pouvez également les joindre à un recours hiérarchique auprès du Procureur Général ou les présenter dans le cadre d’une plainte avec constitution de partie civile. Plus les nouveaux éléments sont solides et probants, plus les chances de relance des poursuites augmentent.

Le classement 21 traduit une insuffisance de preuves, pas une absence de faits. Comprendre ses conséquences et connaître les recours disponibles permet de ne pas rester inactif face à cette décision. Un dossier bien construit et une stratégie de recours adaptée peuvent rouvrir la voie vers une reconnaissance judiciaire.

Avatar photo

Thomas Berland

Thomas Berland accompagne depuis plus de 10 ans des dirigeants de TPE/PME dans leurs prises de décision stratégiques, juridiques et fiscales. Entre entrepreneuriat, restructuration d’entreprise et optimisation financière, il partage sur A2JZ des conseils concrets et des décryptages utiles pour les pros. Son objectif : rendre accessibles les notions complexes du monde business à tous ceux qui veulent entreprendre efficacement.

Laisser un commentaire